Tabou

Voilà, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie si démunie en apprenant la mort d’une de mes souris. «Tabou est mort». C’est étrange qu’une si petite bête, et surtout distante avec les humains comme il l’était, ait pu avoir une telle influence…

Tabou, c’était une souris un peu différente des autres, imprévisible. C’est devenu un concept chez nous : il y a les mâles comme Tabou, et puis les autres, les vrais.


Tabou, c’était un sacré petit père. On l’avait acheté ma sœur et moi en animalerie, un jour un peu triste de novembre, un peu pour nous remonter le moral. Nous ne voulions qu’une seule souris, et finalement, nous nous étions décidées à en prendre deux, parce que nous avions la place et que nous allions leurs donner 2 noms inséparables : Totem et Tabou. Deux petites femelles.



C’est moi qui me suis aperçue que Tabou était un mâle, mais il nous a fallu longtemps pour en être sûres. Tabou, ça n’a jamais été un vrai mâle. Il a vécu longtemps avec des femelles, et tout se passait très bien. Il se faisait papouiller, il dormait bien au chaud tout contre elles, mais jamais il n’a eu l’idée de se reproduire !



Il n’aimait pas beaucoup être pris dans les mains, mais n’avait pas peur des humains, et venait curieusement renifler nos mains quand on les approchait, au cas où il y ait un peu de nourriture. Quand on le sortait un peu, il savait trouver les meilleurs coins, là où il régnait une douce chaleur humaine, et il pouvait rester là et s’endormir…



C’était un petit Bouddha, un pacifiste ! Voyant qu’il ne s’était rien passé avec les femelles, on lui a fait confiance et on l’a laissé avec elles. Ca nous aurait brisé le cœur de le laisser seul, parce que c’était un petit mâle qui avait bcp besoin d’être en compagnie.


Puis l’une des femelles, Fred, est morte et il a vécu seul avec sa sœur, Totem. Ils étaient adorables tous les deux, ils faisaient tout ensemble :

- manger


- dormir


- se réchauffer les pattes (ce pot en terre était chauffé par lampe)




Un jour, il a fallu les séparer une première fois, parce qu’on croyait que Totem allait avoir des bébés (elle avait pas mal grossi sans qu’on sache trop pourquoi).

Il a alors vécu quelques temps avec Opium, fringuant mâle assez dominant. Devant lui notre philosophe s’est écrasé et a accepté tout sans problème, pourvu qu’il n’y ait pas de disputes. Mais il n’était pas heureux comme ça, alors on lui a trouvé une autre cage.

Plus tard, il est retourné vivre chez les femelles pour essayer de calmer la déprime qu’il faisait depuis qu’il était seul. Ca marchait relativement bien, jusqu’à ce qu’il faille à nouveau l’éloigner parce que Mazette allait avoir des petits.

Lorsqu’ils ont grandi, les petits mâles de la portée sont momentanément allés vivre chez Tabou, après avoir patiemment été élevés par sa sœur, Totem. Cette cohabitation à 7 n’a pas été de tous repos tous les jours, et nous le sortions le plus souvent possible pour qu’il puisse se reposer et être un peu tranquille, parce qu’il était le dominé de la bande et que ça ne devait pas être commode tout le temps.



Heureusement, Poltrouille est resté là. C’était le seul petit qui l’acceptait gentiment. Du jour où cette cohabitation a commencé, Tabou a enfin pu renaître à la vie de façon inespérée et devenir actif et joyeux comme jamais il ne l’avait été. Bien sûr, il n’a pas commencé la roue pour autant, pépère comme il était…

mais ils ont vécu ensemble tranquillement ensemble jusqu’à la fin de la vie de Tabou.



Mon pauvre bonhomme, tu es mort beaucoup trop tôt.
Je n’ai pas compris pourquoi tu as flanché comme ça tout d’un coup. Tu allais enfin pouvoir vivre à nouveau une vie peinarde, en cohabitation avec une autre souris, comme tu l’as toujours voulu.

Je me console en pensant que tu as dû mourir heureux, choyé par Poltrouille. Mais tu étais si loin de moi pour ton dernier instant, toi que j’ai tant aimé, que je ne peux m’empêcher d’être un peu amère.


J’espère qu’avec la vie mouvementée que tu as eue, tu as tout de même su être heureux.

Tu étais un ptit bonhomme extraordinaire. Une souris qui sait imiter un lapin, ça ne court pas les rues quand même !







Adieu mon bonhomme…